L'eau verte, c'est quoi ?
Le dernier rapport du GIEC rappelle qu’il existe des facteurs non climatiques qui influencent significativement le cycle de l’eau tels que la déforestation, l’agriculture intensive, ainsi que l’urbanisation et le développement des îlots de chaleur en ville.
Toutes ces perturbations ont un impact direct sur l’indice d’humidité des sols (ou SWI pour Soil Wetness Index) et donc sur l’eau verte. On distinguera :
- L’eau verte : c’est toute l’eau qui est évapotranspirée par les sols et par les plantes
- L’empreinte d’eau verte : qui reflète l’appropriation de l’humidité des sols par les activités humaines, notamment l’agriculture, la déforestation et l’urbanisation
Quel est le problème ?
Une récente étude publiée dans Nature a montré que 18% des terres non gelées sur la planète sont devenues plus humides ou plus sèches que la normale. Considérant ce taux d’anomalie de l’humidité des sols et considérant la faible résilience du système Terre au regard des autres limites planétaires franchies, on estime que l’humanité a franchi la limite planétaire de l’eau verte. On entre donc dans une zone d’insécurité sur les processus hydrologiques qui régissent l’évaporation, les précipitations, l’infiltration et le ruissellement de l’eau douce terrestre.
En s’appropriant l’eau verte, on perturbe l’humidité naturelle des sols et donc les processus d’évaporation-condensation-précipitation terrestre. Cela n’est pas négligeable quand on sait que certains pays comptent sur la couverture forestière de ses voisins pour bénéficier des pluies générées par l’évapotranspiration des végétaux.
C’est ce que révèle une autre étude de ce même centre de Recherche (Stockholm Resilience Center). Voir l’article déjà écrit à ce sujet sur ce blog.
Et si on changeait de paradigme ?
En mars 2023, au sommet
mondial de l’eau de l’ONU, le Ministre de l’agriculture slovaque et le
Conseiller « Ressource en Eau » du premier ministre slovaque, ont présenté
le Livre Blanc qui pourrait tout changer.
Avec l’Australie et l’Inde, ils font partie des premiers à déployer l’Hydrologie Régénérative à l’échelle d’un pays !
♻️ Pensée systémique des cycles de l’eau, de l’énergie et du carbone
Pour résoudre la crise climatique et éviter l’effondrement des écosystèmes, calculer notre empreinte carbone ne suffira pas. Nous devons considérer l’eau verte [dont nous avons franchi la limite planétaire BTW] qui circule à travers les plantes, la biodiversité des sols, les zones humides, afin de restaurer le recyclage des pluies à l’intérieur des terres.
🌱 Le sol est le problème et la solution
Le sol est à l’interface de tous ces cycles. L’urbanisation, la déforestation, le drainage et la destruction des zones humides, les modèles agricoles intensifs détruisent le microbiote des sols, contribuent à réduire l’évapotranspiration, augmentent la chaleur sensible. Les sols ne peuvent plus infiltrer ni retenir l’eau de pluie. L’eau ruisselle, part trop vite à la mer et les paysages s’aridifient progressivement. Le changement climatique vient seulement révéler ce problème de fond.
💧 Réhydrater la Terre à l’échelle des bassins versants.
Le bassin versant est l’échelon adapté pour la restauration des petits cycles de l’eau et ainsi améliorer la résilience hydrique des territoires face aux sécheresses, inondations, érosion etc. C’est la base.
L’eau circule a travers ces bassins versants et avec elle, le carbone, les nutriments et la biodiversité aquatique. Tout est lié.
Pour ce faire, en s’inspirant d’une riche documentation et des retours d’expériences à travers le monde, les auteurs donnent des pistes de solutions concrètes à explorer :
🌳 Reforestation massive, agriculture régénératrice, agroforesterie, permaculture, solutions fondées sur la nature
🌧️ « Rainwater harvesting » ou recyclage des pluies
🏙️ Débitumer et végétaliser les villes en supprimant les îlots de chaleur
🏞️ Protéger à long terme les espaces naturels, les plaines inondables
🌱 Augmenter massivement la capacité de rétention de l’eau dans les sols
💲 Investir via des financements solidaires publics-privés conclus avec des propriétaires fonciers
🌍 Déployer ces méthodes à toutes les échelles : du particulier aux États selon le principe de subsidiarité (ex. Objectif de 250 millions de m3 a l’échelle de la Slovaquie)
Pour aller plus loin...
Pour comprendre les bases de l’hydrologie régénérative et les liens avec le climat, je vous invite à écouter l’épisode de l’excellent podcast Plan(s) B (by Cyrus Farenghi) enregistré avec Simon Ricard, avec qui j’ai cofondé l’association Pour une hydrologie régénérative.